Le REL et le corps

Article publié et téléchargeable sur le site : http://www.reve-eveille-libre.org

Dans le vaste monde des thérapies, il existe plusieurs courants et parmi eux, nous pouvons distinguer les méthodes psychocorporelles d’un côté, et les méthodes analytiques de l’autre.

Les premières vont directement impliquer le corps, s’appuyer sur lui pour aller chercher des engrammes refoulés dans l’inconscient et enregistrés dans le corps physique. Ces engrammes forment comme une cuirasse dont il s’agit de se défaire pour accéder à une forme de libération psychique. Ainsi, William Reich, Otto Rank, Georg Groddeck, Fritz Perls, Arthur Janov et bien d’autres, intègreront cette dimension corporelle à la psychothérapie, partant du principe que ces tensions corporelles figées ne peuvent être atteintes par une approche purement psychologique et verbale.

Les thérapies analytiques, quant à elles, sont directement issues de la psychanalyse freudienne : elles vont donner toute la primeur à la parole, à l’échange verbal. La psychanalyse est une approche psychique de la souffrance psychique. S’il n’est pas véritablement impensé (il est conceptualisé), le corps reste ici inutilisé. Alors qu’en est-il de la thérapie en Rêve Eveillé Libre ? Quelle lecture fait du corps le thérapeute en REL ?

Le corps dans la thérapie en REL

Au niveau théorique, la thérapie en REL fait clairement partie du courant analytique, avec un pied chez Freud et un pied chez Jung. Concrètement aussi, l’appel au corps n’est pas directement formulé : au contraire, il est demandé au patient de se détendre, son corps est assis ou allongé, donc immobile – ou plutôt non-actif, lorsqu’il vit son rêve. Son métabolisme s’abaisse, l’activité du cerveau descend en ondes alpha pour accueillir les images qui se présentent. Voilà pour le cadre. En réalité, que se passe-t-il ? Le corps est-il vraiment si silencieux ? N’y a-t-il jamais d’évocation du corps ? de sensations ? de perceptions ? Si, bien sûr. Et même beaucoup !

Laissons de côté les parties du corps qui apparaissent dans les REL comme symboles : il suffit de feuilleter le 2° tome du Dictionnaire de la symbolique[1]de Georges Romey pour constater que les symboles corporels sont nombreux et riches de sens.

Je pensais plutôt à la mémoire du corps : c’est toujours un grand étonnement pour les rêveurs de retrouver des sensations corporelles parfois enfouies dans les strates sous-cutanées, jusqu’à la dimension cellulaire !

Le corps engramme tout : deux exemples

Les mémoires de naissance sont souvent très fortes, comme l’illustrent ces deux exemples.

Dans le premier cas, la patiente revisite ses peurs de naître et les souffrances que ce changement d’environnement a déclenchées. Au cours de son REL, elle se voit confortablement blottie dans le cœur d’une fleur, puis : « il y a une sortie pas loin… mais je sens comme des freins… ça vient de moi… j’ai peur de tomber… je suis bien dans le pollen…  et puis dehors, je serai nue… sans protection… au froid (silence). Alors je sors une main pour voir… je sens rien… il n’y a pas de séquelle… hop ! je suis sortie d’un coup ! …  c’est très très sec…  je voudrais de l’eau chaude sur ma peau … ou du lait… ou de l’huile… mais c’est des vêtements qu’on me donne… c’est rugueux sur ma peau… ça pique… ça gratte… Je suis pas dans mon élément… je commence à avoir peur… ». En se reconnectant à ses mémoires corporelles, la patiente a compris pourquoi elle avait souffert d’eczéma dès les premières semaines de sa vie !

Le second exemple illustre que le corps peut aussi s’exprimer en séance, comme pour cette patiente qui, après avoir revisité son ancienne maison « lugubre, humide, froide » (symbole d’une matrice maternelle peu accueillante) finit par déclencher un début tétanie qu’elle associa tout de suite à une crise de spasmophilie dont elle était habituée : « cette maison, elle me pèse, comme si un arc de pierre était sur moi… Ça pèse et ça colle », puis après une longue et douloureuse lutte pour tenter d’en sortir, elle finit par s’écrier : « Ohlala, ça a été dur !… Je suis dehors… mais… (long silence – souffle fort – son corps se contracte) ça ressemble à une crise de spasmo… ça va se calmer… je suis dehors… Oh, il faut que je m’occupe de mes mains… merde… vous pouvez m’aider, me tenir la main ?... ». Il a fallu de longues minutes à la patiente pour revenir à un état de calme et pour verbaliser enfin une problématique particulièrement lourde dans sa relation à sa mère. Dans cet épisode, le corps a pu relâcher, en direct, des tensions archaïques, restées trop longtemps enfouies dans des mémoires jusqu’alors inaccessibles à la conscience.

Ainsi, même si le corps n’est pas mis en avant comme support d’élaboration psychique, il fournit néanmoins des éléments de compréhension absolument essentiels dans les problématiques des rêveurs. Alors pour le mieux-être de nos patients, ouvrons tous nos sens et écoutons les corps !

Audrey de la Grange

Psycho-anaylste en REL, Superviseur, Chercheur associée Université Paul Valéry de Montpellier

[1]Vocabulaire fondamental des rêves, ed. Albin Michel